Catherine Rousseau Directrice d'expertise, Données et Analytiques
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À l’ère de l’IA générative et de l’automatisation croissante, la gouvernance des données personnelles devient un levier stratégique pour l’entreprise. Pour les CIO, CDO, responsables TI ou chefs de transformation numérique, il ne s’agit plus seulement de protéger l’entreprise contre les risques juridiques, mais de bâtir une relation de confiance essentielle à la réussite des transformations clés.

Lorsque la gestion des données personnelles est transparente, bien documentée et alignée sur les priorités d’affaires, elle permet non seulement de réduire les risques, mais d’améliorer l’engagement, la fidélité et l’adoption des solutions numériques.  

Voyons comment structurer cette gouvernance afin qu’elle soutienne la performance, renforce la conformité et inspire la confiance dans l’ensemble de votre entreprise. 

Mettre en place un cadre de gouvernance des données d’entreprise 

Mettre en place un cadre de gouvernance des données d’entreprise exige une approche structurée, transversale et évolutive. Voici les étapes clés pour y parvenir, accompagnées de principes à respecter et de livrables concrets à produire :

1. Définir une vision claire et un périmètre stratégique

  • Énoncer les objectifs (ex. : conformité, qualité, valorisation, sécurité, éthique)
  • Cibler un périmètre initial (ex. : données clients, financières ou RH)
  • Aligner la gouvernance sur les priorités de l’entreprise et les cas d’usage (ex. : IA, analytique, automatisation) 

2. Mettre en place une structure organisationnelle

Clarifier les rôles et responsabilités :

  • Le responsable des données : responsable métier
  • Le gestionnaire de la qualité des données : assure la documentation, la conformité et la qualité
  • Responsable technique : entreposage, sécurité)
  • Comité de gouvernance des données : instance décisionnelle transversale

3. Élaborer des politiques et des standards

Encadrer l’usage, la qualité et la sécurité des données :

  • Classification des données (sensibles, critiques, publiques, etc.)
  • Politique d’accès et de sécurité
  • Politique de qualité (exactitude, complétude, cohérence)
  • Politique de conservation et d’archivage
  • Politique de protection des données personnelles

4. Mettre en œuvre un glossaire et un catalogue de données

Faciliter la compréhension, la transparence et la réutilisation des données :

  • Créer un glossaire métier commun (définitions normalisées)
  • Documenter les jeux de données dans un catalogue centralisé (avec sources, formats, règles de gestion)

5. Surveiller la qualité et la conformité des données

S’assurer que les données sont fiables, à jour et conformes aux lois (ex. : RGPD, Loi 25) :

  • Mettre en place des indicateurs de qualité (comptes d’erreurs, taux de complétude, cohérence entre systèmes, etc.)
  • Automatiser les alertes et contrôles (data profiling, règles de validation)

6. Instaurer un processus d’amélioration continue

Adapter le cadre à l’évolution des technologies, des lois et des besoins métiers :

  • Réviser périodiquement les politiques
  • Organiser des comités de gouvernance réguliers
  • Former les équipes à la gouvernance et à la culture des données

7. Facteurs clés de réussite

  • Appui de la haute direction : la gouvernance doit être portée au plus haut niveau
  • Approche collaborative : impliquer les TI, les unités d’affaires, le juridique, la conformité et la sécurité
  • Déploiement progressif : commencer par un domaine prioritaire, démontrer les résultats, puis élargir
  • Technologie en appui, pas en moteur : l’outil seul ne remplace pas une stratégie claire 

Transparence des données : un levier méconnu de performance  

Avec la multiplication des points de contact numériques, la quantité de renseignements personnels collectés par les entreprises augmente à un rythme soutenu. Avec l’essor de l’IA, ces données ne servent plus uniquement à optimiser l’expérience client. Elles influencent des décisions critiques, soutiennent des modèles prédictifs et façonnent la perception de votre marque.

Protéger les renseignements personnels n’est donc plus seulement un impératif légal : c’est un facteur de différenciation.

C'est aussi une condition essentielle de la confiance. Selon une enquête de Cisco en 2024, 75 % des consommateurs (en anglais seulement) refuseraient de faire affaire avec une entreprise à laquelle ils ne font pas confiance quant à la protection de leurs données. 

Pourquoi une pratique ouverte génère-t-elle des résultats concrets? 

Les entreprises qui explicitent leurs choix et les rendent compréhensibles constatent plusieurs avantages stratégiques :

  • Meilleure fidélisation des clients
  • Réduction du taux de désabonnement
  • Renforcement de la réputation numérique
  • Qualité accrue des données utilisées pour les initiatives d’IA et d’analyse

Encore faut-il que ces engagements soient clairs et respectueux de l’utilisateur. 

Éviter les dérives : collecte excessive et consentement ambigu 

La confiance se dégrade quand les utilisateurs sentent que leurs données circulent sans qu’ils gardent le contrôle. Trop souvent, celles-ci sont collectées sans explication claire, stockée sans logique apparente ou utilisée à des fins non explicites.

Respecter la loi ne suffit plus : il faut adopter une posture proactive d’intégrité.

Une collecte responsable implique :

  • Expliquer pourquoi chaque donnée est demandée
  • Montrer ce que le client y gagne
  • Offrir un vrai choix, notamment celui de refuser 

Une collecte mal encadrée, des conséquences bien réelles

Collecter des données sans cadre clair ne nuit pas qu’à la vie privée. Les risques sont collectifs : perte de confiance envers les institutions, inégalités renforcées, décisions automatisées biaisées.

Une récente étude du Stanford Institute for Human-Centered AI (en anglais seulement) le confirme: sans gouvernance rigoureuse, la circulation massive d’informations personnelles peut porter atteinte à l’ensemble de la société. 

Clarifier les pratiques : un levier de confiance 

Des processus de retrait complexes, des politiques opaques ou des consentements implicites peuvent rapidement affaiblir la relation avec vos clients ou partenaires. À l’échelle d’une entreprise, ces irritants freinent l’engagement, augmentent les désabonnements et nuisent à la réputation.

Certaines pratiques sapent la confiance :

  • Cases cochées par défaut, textes juridiques obscurs
  • Aucune option simple pour retirer son consentement
  • Utilisation non déclarée de données par des systèmes d’IA tiers

À l'inverse, une entreprise qui explique clairement l'usage prévu, qui facilite les retraits et qui évite tout partage sans consentement explicite se distingue par sa rigueur.

Donner de la visibilité sur le pourquoi et le comment est un signe de maturité organisationnelle. Et un puissant levier de différenciation. 

Expliquer les bénéfices concrets du partage de données 

Obtenir un consentement, c’est bien. Mais faire comprendre ce que le client en retire, c’est encore mieux.  

Certaines entreprises, comme les assureurs ou les services bancaires, montrent qu'une approche ouverte peut aussi être source de valeur. Par exemple, en expliquant que certaines données permettent d’éviter ou de réduire des démarches répétitives, elles clarifient leur usage, leur utilité et leur pertinence.  

Dans certains cas, cette logique va plus loin : une réduction de prime pour les bons conducteurs ou une simplification du service pour les clients récurrents transforme la donnée en levier d’efficacité partagée.  

Outils de confiance pour la protection des données  

La collecte responsable ne repose pas uniquement sur la technologie. Elle exige une gouvernance partagée et cohérente entre les unités.

TI, marketing, produits, juridique : toutes les équipes doivent collaborer pour :

  • Définir une politique claire et cohérente
  • Mettre en place des standards éthiques adaptés à l’IA, l’infonuagique et aux modèles prédictifs
  • Intégrer la protection des données dès la conception des projets
  • Former les employés à manipuler les informations sensibles avec rigueur 

Former les équipes à la qualité et à l’éthique des données

Même une formation de courte durée peut générer un impact tangible : elle réduira les erreurs de saisie et les pratiques à risque dans l’ensemble des processus.

Le mot « gouvernance » peut sembler complexe. Pourtant, lorsqu’elle est bien conçue, elle devient un accélérateur plutôt qu’un frein. Elle clarifie les rôles, les objectifs et les limites d’utilisation à chaque niveau de l’entreprise. Avant de déployer des initiatives en intelligence artificielle ou en analytique avancée, il est essentiel de garantir que les données sont :

  • Fiables : exactes, validées, exemptes d’erreurs  
  • Non dupliquées : sans doublons susceptibles de fausser les résultats
  • Cohérentes : harmonisées entre les systèmes et les équipes
  • Pertinentes : en adéquation avec les objectifs d’affaires 

Pourquoi la qualité des données commence sur le terrain

Assainir les données n’est pas qu’un enjeu technique. C’est un acte de responsabilité. Un simple doublon ou une erreur de saisie peut fausser une prédiction ou entraîner un ciblage inadéquat. Et, ultimement, c’est la qualité de l’expérience client qui en souffre.  

3 bonnes pratiques pour une collecte fiable et responsable :

  • Valider les données dès leur saisie
  • Documenter les méthodes de collecte et de traitement
  • Appliquer des règles claires de gestion de la qualité  

C’est à ce prix que l’on peut faire confiance aux systèmes automatisés. 

Résultats concrets : un meilleur engagement et une fidélité renforcée

D’après Open Data Watch (en anglais seulement), un climat de confiance repose sur des pratiques de gestion claires et non sur une exposition sans discernement.

Concrètement, cela implique :

  • Documenter les méthodes, les sources, les limites et les conditions d’usage
  • Offrir un accès à des formats ouverts, lisibles, réutilisables
  • Permettre la vérification, la compréhension et, dans certains contextes, la participation active des parties prenantes  

La boucle vertueuse des données responsables

Les meilleures pratiques s’appuient sur une dynamique continue de responsabilités :

  • Une collecte respectueuse
  • Un traitement rigoureux
  • Une ouverture encadrée
  • Un usage utile, mesuré et conforme à l’éthique
  • Un retour d’information pris en compte dans les ajustements futurs

Repenser les fondations de la confiance

Comme le souligne Open Data Watch, la confiance ne se décrète pas : elle se construit à chaque étape de la chaîne de valeur des données. Cela exige des méthodes rigoureuses, des formats accessibles et une gouvernance claire, adaptée aux usages.

Les pratiques évoluent. On assiste à l’émergence d’un rôle actif des individus dans les systèmes d’information. Les utilisateurs ne sont plus de simples récepteurs : ils deviennent coproducteurs, commentateurs ou vérificateurs de données.

Cela amène les entreprises à repenser leur approche. Elles doivent :

  • Documenter clairement les sources, usages et limites. 
    Un utilisateur bien informé est plus enclin à collaborer.
  • Réfléchir à la gouvernance des données en amont. 
    La confiance se planifie.
  • Responsabiliser toute la chaîne d’approvisionnement des données. 
    De la collecte à l’analyse, car chaque acteur a un rôle à jouer.

Cette responsabilité est d’autant plus cruciale à l'ère de l’IA. Comme le souligne le Stanford Institute for Human-Centered AI (en anglais seulement) une collecte massive de données mal encadrée peut engendrer des dérives : biais, discriminations, décisions opaques. Les garde-fous techniques sont nécessaires, mais insuffisants.  

Il faut une gouvernance responsable, éthique et inclusive.

La protection des données : une responsabilité partagée

La collecte responsable des données n’est ni un luxe ni un projet secondaire. C’est un pilier de la stratégie numérique. Et c’est aussi un devoir envers les personnes qui, à chaque interaction, partagent un peu d’elles-mêmes.

Mettre en place des politiques claires, moderniser la gouvernance et impliquer les utilisateurs permet de transformer une obligation réglementaire en avantage concurrentiel.

C’est également un facteur de mobilisation interne.

Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre numérique, les entreprises qui assument ouvertement leurs pratiques attirent davantage de talents.

Comme nous l'évoquions dans un précédent article sur la prise de décision assistée par l’IA, instaurer la confiance demande du temps, de la clarté et de la cohérence. Elle naît de décisions réfléchies, d’une gouvernance solide... et une présence humaine à chaque étape.  

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