Les indicateurs clés de performance (KPI) sont des outils essentiels pour piloter un projet efficacement. Pourtant, dans bien des entreprises, ils sont suivis trop tard, mal choisis ou déconnectés des livrables attendus. Résultat : les décisions clés sont prises trop tard et les objectifs sont manqués. Selon le rapport Pulse of the Profession 2024 (en anglais seulement), seuls 60 % des projets atteignent leurs objectifs initiaux. Parmi les causes principales : une mauvaise utilisation des KPI.
Dans notre pratique, ce n’est pas tant l’absence d’indicateurs qui pose problème, mais le décalage entre ce qu’ils affichent et ce qui se passe réellement sur le terrain. C’est là qu’intervient le pilotage d’un projet par phase : une méthode qui permet de synchroniser les KPI avec le rythme réel du projet. En les associant aux bons jalons et en les rendant visibles pour les parties prenantes, on les transforme en leviers de décision concrets.
Dans cet article, vous découvrirez comment activer des indicateurs utiles et exploitables à chacune des 5 phases du cycle de vie d’un projet, de l’initiation à la clôture, selon le modèle en cascade classique (approche prédictive).
Ce nouveau volet fait suite à notre guide sur les KPI stratégiques. Ici, nous descendons sur le terrain, là où les décisions se prennent au quotidien.
Comment activer les KPI selon les 5 phases de gestion de projet
Le cycle de vie d’un projet est généralement structuré en cinq grandes phases : initiation, planification, exécution, surveillance/contrôle et clôture. Cette structure, largement répandue dans les pratiques de gestion de projet, est notamment formalisée par le Project Management Institute (en anglais seulement) et était largement utilisé avant l’avènement des méthodes agiles. Aujourd’hui, ces étapes sont reprises et adaptées selon le type d’organisation :
- Initiation : valider l’opportunité d’un projet, formaliser les objectifs, identifier les ressources nécessaires pour le projet.
- Planification : définir précisément la portée, l’échéancier, le budget, affecter les ressources, identifier les risques et planifier la communication.
- Exécution : réaliser les tâches du projet selon le plan établi.
- Surveillance et contrôle : suivre l’avancement, gérer les écarts, ajuster le plan au besoin.
- Clôture : officialiser la fin du projet, documenter les leçons apprises, libérer les ressources.

5 phases clés du cycle de vie d’un projet
Ces phases ne sont pas toujours linéaires : elles peuvent se chevaucher, s’itérer ou s’adapter en fonction du contexte. L’important est de comprendre que chacune a ses propres objectifs, ses extrants spécifiques et donc ses indicateurs clés à suivre.
Phase 1 – Initier : valider l’opportunité grâce aux bons indicateurs
Pour bien démarrer, encore faut-il partir du bon projet. La phase d’initiation sert à valider que l’effort en vaut la peine.
Quand un projet démarre, tout repose sur sa justification. L’équipe doit valider que le projet est pertinent, aligné avec la stratégie d’entreprise, et réalisable. À cette étape, les KPI servent à filtrer les projets qui méritent d’aller de l’avant.
L’un des enjeux les plus fréquents à ce moment-ci, c’est de valider un projet sans avoir d’indicateurs tangibles de la valeur attendue. Trop souvent, on peut voir des projets lancés sur la base d’une intuition ou d’un “intérêt stratégique” mal défini. Or, un bon KPI initial est un garde-fou : il doit refléter un alignement réel, pas un simple engouement.
KPI utiles :
- Score de risque initial : permet de repérer d’emblée les risques du projet et établir les bonnes hypothèses.
- Alignement stratégique : mesure à quel point le projet soutient les objectifs de l’organisation.
- Ratio coût-bénéfice estimé : permet d’estimer le retour sur investissement (ROI) attendu du projet, afin d’évaluer si le projet en vaut la peine dès le début.
Les extrants attendus doivent eux aussi refléter les objectifs de projet définis en amont, à la fois en termes de portée, de valeur ajoutée et d’alignement stratégique.
Extrants attendus :
- Analyse de rentabilité claire et quantifiée
- La charte de projet
- Décision formelle d’approbation par un comité
- Création officielle du projet dans les systèmes
- Rencontre de lancement avec les parties prenantes clés
À retenir sur les KPI de la phase d’initiation
Une fois le projet lancé, il faut le structurer. La planification transforme l’intention stratégique en plan d’action réaliste et partagé.
Durant cette phase, un bon KPI n’est pas un chiffre décoratif : c’est un filtre stratégique. Il permet d’éviter de perdre temps et ressources sur un projet mal ciblé.
Même avec les bons indicateurs, cette étape gagne à être bien cadrée dès le départ. Comprendre leur rôle et les intégrer à la décision initiale permet de maximiser leur utilité. Par exemple, s’appuyer sur un ratio coût-bénéfice mesuré, plutôt que sur une impression générale, renforce la solidité de l’analyse. Distinguer un indicateur stratégique d’un indicateur d’affichage assure un meilleur alignement des projets avec les priorités d’affaires.
Voici trois erreurs fréquentes de la phase 1 :
- Lancer un projet sans indicateur clair de valeur attendue
- Confondre alignement stratégique et simple intérêt politique
- Valider le projet sans consultation des parties prenantes clés
Phase 2 – Planifier : structurer les livrables et anticiper les risques
Cette deuxième phase transforme les intentions stratégiques en un plan concret, avec des responsabilités claires et un échéancier défini.
KPI utiles :
- Degré de couverture du WBS : montre si les tâches sont bien identifiées.
- Analyse du chemin critique : permet d’évaluer la robustesse du séquencement et d’identifier les tâches dont le retard modifierait directement l’échéancier global.
- Écart entre charge estimée et capacité réelle : détecte les risques de surcharge.
- Estimation des risques : estimation de la probabilité, de l’impact financier et des pertes potentiels de chaque risque identifié.
Extrants attendus :
- Structure du projet bien découpée (WBS)
- Plan de communication et parties prenantes bien identifiées
- Journal de risques, enjeux, décisions et d’action structuré
- Échéancier validé avec les équipes du projet
- Plan de gestion du projet rédigé
Planifier faiblement compromet la réussite, même si l’exécution est solide. Cette phase pose les fondations du pilotage.
Dans les environnements agiles, cette planification ne se fait pas nécessairement de bout en bout dès le départ. On travaille plutôt par cycles courts, chacun débutant par une séance de planification. Cela change le type d’indicateurs à suivre : on aura besoin de KPI vivants, capables de s’ajuster au fil des itérations.
Les pièges à éviter à la phase 2 :
- Un plan trop détaillé sans lien avec la réalité des capacités
- Des KPI centrés sur l’activité plutôt que sur les livrables
- Absence d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour le suivi des risques
- Ne pas associer les indicateurs aux jalons clés du projet : un KPI sans ancrage dans les livrables crée une illusion de suivi sans impact réel
Phases 3 et 4 – Exécuter et contrôler : ajuster en temps réel avec des KPI à jour
C’est ici que les choses se jouent. Les équipes avancent, les risques se matérialisent, et les décisions doivent suivre le rythme. Il ne suffit plus de planifier : il faut ajuster en continu.
Dans ces phases, les équipes exécutent les tâches prévues, pendant que les gestionnaires surveillent les écarts. Les KPI ici sont cruciaux : ils permettent d’intervenir à temps si quelque chose dérape.
KPI utiles :
- Gestion de la valeur acquise (ou Earned Value Management): permet de mesurer la performance actuelle du projet et prévoir ses résultats futurs.
- Santé globale du projet : regroupe indicateurs de délai, de qualité, de portée, de budget et de risques.
- Taux d’acceptation des livrables : mesure la qualité perçue.
- Risques actifs vs mitigés : reflète la maîtrise des aléas.
Extrants attendus :
- Tableau de bord du projet clair, partagé avec le commanditaire du projet et l’équipe
- Registre des risques, actions, enjeux et décisions (RAID)
- Gestion des changements du projet
- Gestion des déviations du plan initial
- Gestion des parties prenantes et de la communication
Ces indicateurs peuvent être intégrés dans un tableau de bord de projet accessible et actualisé pour toutes les parties prenantes. Car ce qui rend ces KPIs pertinents, ce n’est pas leur présence, mais leur fraîcheur. Une donnée non mise à jour donne une fausse impression de contrôle. C’est l’un des travers que nous rencontrons le plus souvent : des indicateurs corrects, mais mis à jour trop tard ou pas du tout.
Le KPI est un outil de décision — pas un chiffre décoratif. Il ne sert à rien s’il arrive en retard.
Les pièges à éviter aux phases 3 et 4 :
- Suivre un KPI trop tard pour qu’il influence la décision : un indicateur mis à jour en fin de sprint ou de phase n’aide pas à corriger le tir en temps réel.
- Équipe projet non exposée aux indicateurs de performance
- Données trop nombreuses ou non prioritaires : au-delà de 10 indicateurs, le tableau de bord devient illisible et perd en utilité pour le suivi du projet.
- Absence de comités ou d’espace pour discuter des KPIs : sans revue régulière, les indicateurs ne sont ni analysés ni utilisés pour ajuster les actions.
Phase 5 – Clôturer : mesurer l’impact et formaliser l’apprentissage
Le projet est terminé… en apparence. Mais sans une bonne clôture, on passe à côté de deux leviers clés : l’apprentissage collectif et la validation de la valeur créée. C’est ici que l’on mesure le véritable impact du projet et qu’on capitalise pour les suivants.
Bien que l’apprentissage se fasse tout au long du projet et qu’il doive être documenté, cette phase permet d’en faire la synthèse. On y formalise les leçons apprises pour les transmettre, les documenter et en tirer parti dans les projets à venir.
KPI utiles :
- Satisfaction utilisateur : souvent mesurée par sondage ou note NPS.
- % de livrables acceptés sans réserve : indique la qualité finale.
- Nombre de leçons apprises documentées : reflète la capacité d’apprentissage.
- Écart entre coût final et coût de départ approuvé : mesure la justesse des estimations, en particulier dans les organisations orientées vente de projets.
Extrants attendus :
- Post-mortem structuré avec recommandations, documenté dans un dépôt documentaire centralisé.
- Formulaire officiel de clôture signé
- Évaluation des ressources (évaluation à 360 degrés, si applicable)
Un projet bien terminé, c’est un projet qui renforce l’organisation. Trop souvent, cette étape est négligée, ce qui compromet l’occasion de tirer pleinement parti des apprentissages.
Les pièges à éviter dans cette dernière phase :
- Mesure d’impact oubliée ou remplacée par un simple bilan administratif.
- Retours d’expérience non documentés ou non partagés.
- Taux de satisfaction client collecté trop tard ou jamais exploité.
À retenir : des KPI activés au bon moment, pas en plus grand nombre
Les KPI ne sont pas une fin en soi, mais bien des outils de navigation. Encore faut-il savoir quand les utiliser, à quel niveau et pourquoi. Activés au bon moment, selon les extrants attendus de chaque phase, ils évitent la confusion, renforcent la clarté et soutiennent les bonnes décisions. Bien choisis, les indicateurs renforcent la dynamique de projet plutôt que de la freiner.
D’expérience, nous pouvons affirmer que ce ne sont pas plus d’indicateurs qu’il nous faut… mais de meilleurs indicateurs, choisis avec soin, alimentés en continu, et activés au bon moment. C’est ce qui fait toute la différence entre un tableau de bord et une vraie boussole.
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